Je suis venu te dire que je m´en vais
Et voilà. Alors que je serai de retour en France dans quelques jours maintenant, et Cléa quelques jours après moi, il est temps de mettre non pas un point final car cette année et ses souvenirs resteront avec nous pendant longtemps, mais disons un point-virgule à cette superbe expérience en Argentine. Dans quelques jours, nous pourrons de nouveau prendre un métro qui possède des lignes qui se croisent, pester contre la SNCF et manger des croissants.
L´émotion ressentie au moment de savourer son dernier choripan, de commander sa dernière empanada ou de prendre son dernier colectivo est particulière et il faudrait probablement plus de lignes que vous ne voudrez en lire pour la décrire, alors je vous les épargnerai pour le moment.
Par contre, personne ne pourra m´empêcher d´écrire quelques derniers mots sur la Colombie, pays merveilleux où nous avons passé deux semaines en compagnie du non moins merveilleux César. A ce propos, le titre de cet article aurait pu tout aussi bien être quelque chose comme "la Colombie à l´arrière d´un pick-up" si je ne m´étais pas laissé charmer par les sirènes tristes de la mélancolie. Car il faut bien dire que du Nord au Sud, nous en avons passé, des heures à l´arrière des camionetas, souvent le seul moyen de transport disponible entre deux villes ou villages. Le voyage se déroule ainsi : tandis que de deux à quatre chanceux (selon la taille du pick-up) sont assis à l´intérieur de la voiture, le reste des voyageurs est assis sur des petits bancs à l´arrière et à l´air libre, tandis que les moins chanceux ou les retardataires se retrouvent en général à rester debout et à se tenir à ce qu´ils peuvent pour ne pas se retrouver éjecté à la première secousse. Quant aux plus téméraires, ils vont directement sur le toit. Ce genre de voyage a de nombreux inconvénients, mais s'il a bien un avantage, c'est qu'il nous permet de faire des rencontres plus ou moins... particulières. Que ce soit cette indigène wayuu de la guajira voyageant avec sa fille et balançant tous ses déchets dans le désert, ou bien cet incroyable taré qui, parce qu'il nous prend pour des "gringos", nous explique que tous les américains vont mourir en 2013, que ceux qui sont condamnés portent sur le front et la main droite le signe du diable "666", et que le seul moyen pour nous d'être sauvés, c'est d'aller assister à une messe de l'église septentrionale (ou quelque chose de ce genre), une secte qui d'ailleurs, s'étend dans le monde entier et serait d'ailleurs, d'après lui, déjà installée en france. Bref, la Colombie est pleine de personnages incroyables.
Le tourisme y est de plus de plus développé. S´il est déjà quasiment à la pointe dans toute la côte Caraïbe, destination préférée des gringos, le sud se développe de plus en plus, de même que la majorité des plus belles régions colombiennes comme la région du café, la région amazonienne ou bien le Santander. Les routes sont de plus en plus bitumés, même si de nombreuses restent assez... précaires, ce qui nous valut quelques nuits agitées. Malgré tout, Il reste quelques zones très difficiles d´accès, telles que la côte Pacifique qui, pauvre et toujours assez dangereux, regorge apparemment de superbes plages et paysages, mais manquent malheureusement de routes... Tout ça pour dire que, contrairement aux autres pays d´Amérique du Sud où il suffit en général de se rendre au terminal de bus de la ville pour attraper le prochain bus pour la destination de son choix, en colombie, les choses se font de manière un peu moins... conventionnelle. Il y a peu de bus par jour pour sa destination, et dans certaines villes, le "terminal" est tout simplement le centre de la ville. Prendre un bus pour sa prochaine destination consiste donc à demander aux gens autour de soi s´ils savent quel voiture part et quand, ou si eux-même vont dans la même direction que nous. Ce qui a aussi beaucoup de charme. Ce qui est aussi très énervant quand on se retrouve planté deux heures à se faire dévorer par les moustiques parce que le conducteur de la voiture ne partira qu´une fois qu´il aura trouvé 8 passagers.
Malgré le peu de temps que nous avions en Colombie, nous voulions en découvrir le plus possible. L´itinéraire concocté par Cléa et César passait donc par le désert de la Tatacoa, par la région du Huila et du Cauca à la découverte es merveilles archéologiques de Tierradentro et San Agustin puis par la côte Caraïbe au Nord pour finir dans la région désertique et pleine de mystère de la Guajira.
Il serait probablement trop long de décrire chaque étape avec précision, alors j'irai vite, j'irai court, en parlant des événements les plus marquants de ces deux semaines, et des plus beaux endroits que nous avons eu la chance de voir.
L'arrivée à Bogota fut probablement la plus réconfortante et la plus agréable qui soit. L'accueil absolument incroyable que nous avons reçu de la part de César et de sa famille n'y est d'ailleurs pas pour rien. A peine arrivés chez César, dans le nord de Bogota, que sa mère nous faisait goûter une des grandes spécialités culinaires de la ville : le très bon ajiaco (une sorte de soupe, ou bouillon, ou se retrouvent des légumes, de la viande, du maïs, et du patacon, un "machin" frit à la banane servi dans tous les plats colombiens). Il nous a donc fallu peu de temps pour faire connaissance avec les coutumes culinaires colombiennes : qu'il fasse froid ou chaud, qu'il pleuve ou qu'il vente, les colombiens commencent chaque repas avec une soupe (voilà qui devrait plaire à un certain ludovic s'il nous lit), prennent leur plat principal avec du riz et du patacon, et sautent le dessert. Cette première soirée fut aussi l'occasion pour nous de découvrir une chose qui ne cesserait de nous enchanter durant toute la durée de notre séjour : les fruits. La mère de César nous avait préparé un incroyable jus de "Tomate de arbol" (la "tomate de l'arbre) et de maracuya (fruit de la passion), soit un des meilleurs jus jamais goûtés dans ces contrées. Les jus de fruit là-bas sont une institution. A table ce n'est ni de l'eau, ni de vin que l'on sert, mais bien du jus, en toutes circonstances. Les fruits quant à eux sont légion : César nous racontait que sur tous les fruits connus dans le monde, seuls 5 ou 6 ne sont pas trouvables en Colombie. Parmi ceux goûtés que l'on ne connait pas en France : le guanabana, le mamoncillo, le zapote, etc etc...
Après un match de football à 2500m d'altitude (Bogota est une des capitales les plus hautes au monde, la deuxième je crois), et une nuit bien réparatrice, nous entamions donc notre premier jour dans la capitale colombienne. Bogota est une ville immense (moins grande que buenos aires cependant) très différente des autres capitales sud-américaines, même si on y retrouve certaines similitudes : les avenues immenses, les " petites villes dans la ville" (comme Osaken, quartier jeune et chic par excellence) et un nombre conséquent de voitures et de motos, toutes conduisant comme des tarés. Bogota possède néanmoins quelque chose de spécial, un air particulier, qui la rend très agréable, notamment le dimanche, jour durant lequel une partie de la grande avenue est fermée aux voitures qui laissent leur place aux vélos, rollers, etc (un système repris ensuite par d'autres grandes capitales du monde). Mais à part ça, la ville n'offre pas beaucoup d'attractions touristiques, même si le quartier de la Candelaria et la place Simon Bolivar sont des endroits sympas où se balader. Le musée de l'Or est aussi un "must-see", rassemblant la plus grande collection du pays, et permettant de mieux comprendre les civilisations pré-hispaniques, et surtout d'admirer leur génie artistique. La fondation Botero vaut aussi la peine de s'y attarder, moins pour les oeuvres de Botéro (un peu... répétitives) que pour celles des artistes internationaux. En fait, tout le charme de Bogota se retrouve dans ses rues, pleines de vendeurs ambulants de choses incroyables telles que le "canelazo", boisson légèrement alcoolisée (du fameux aguardiente, sorte "d'anisette") mélangée à l'agua de panela, que l'on tire de la canne à sucre. C'est toute l'histoire de la Colombie qui se retrouve sur ses murs et les informations que nous donnait César nous ont permis de mieux comprendre un pays à tous les égards... compliqué.
Le lendemain, nous partions en compagnie des parents de César en direction du nord de Bogota, tout d'abord pour visiter une cathédrale de sel (magnifique, mais gâchée par les "attractions" inventées pour attirer les touristes, dont un sacré spectacle de son et lumières, affligeant et carrément blasphématoire) et surtout les petites villes de la région du Boyaca, dont est originaire le père de César. Après un repas à Chiquinquira, juste en face d'une cathédrale visitée par Jean Paul II, nous avons donc pu passer quelques heures à Villa de Leyva, superbe ville coloniale dont la place principale est une des plus grandes que j'ai jamais vues sur le continent ! Ce petit voyage fut encore une fois l'occasion de faire d'autres découvertes, dont une surtout : l'arepa boyacence, una arepa (sorte de petit pain fourré) au fromage.
Bon je ne détaillerai plus tout ce qu'on a pu manger parce que je ne m'en sortirai pas, mais vous aurez compris que ce voyage fut une sorte de dégustation culinaire permanente, car la cuisine colombienne, bien que pas très développée "institutionnellement" disons, offre de nombreuses surprises.
Après Bogota, il était temps de partir, pour césar de dire au revoir à ses parents, et pour nous tous de s'en aller, en précipité, vers le sud. Pas trop loin au Sud, à Neiva, pour y découvrir le désert de la tatacoa. Ce désert, pas encore très touristique, offre de nombreux paysages différents, comme un grand air de far west. L'air, puisqu'on parle de cela, y est aussi particulièrement étouffant. Le désert de la Tatacoa possède une situation géographique propice à l'observation des étoiles, puisqu'en plus d'être un désert (et donc sans trop de pollution lumineuse), il est situé tout près de la ligne de l'Equateur. Ceci permet d'observer sur un même ciel les constellations de l'hémisphère nord et de l'hémisphère Sud. C'est donc à l'observatoire que nous avons passé notre soirée, à contempler les étoiles et les planètes (Saturne et Mars en l'occurrence), tandis qu'un astronome nous faisait la leçon.
Le lendemain, c'était départ à 7h (ni le premier, ni le dernier) pour nous rendre a Tierradentro. Le nom Tierradentro désigne à la fois le parc archéologique de Tierradentro, située dans la région du Cauca, et la civilisation qui aurait vécu là il y a maintenant quelques 5000 ans. Nous logeons dans le seul véritable hôtel du petit village de San Andrès de Psimbala, peuplé et créé par les indigènes de la région. Le parc archéologique de Tierradentro est composé 6 sites différents, la plupart renfermant des tombeaux, appelés "hypogées". La civilisation de Tierradentro avait en effet coutume de creuser des tombes et d'y enterrer leurs morts (avec plus ou moins de style selon la catégorie social du décédé). Mais cela ne termine pas là, car après un certain temps, les morts étaient déterrés, et réenterrés (leurs restes reposant dans des urnes) dans ces fameuses hypogées, en compagnie de leur famille, ou bien d'autres petits camarades. C'est que pour les civilisations du Sud de la Colombie, la mort était bien plus importante que la vie, ce qui explique donc le soin apporté à ces tombes pour la construction desquelles une année entière était nécessaire. Le résultat est spectaculaire. Dans de nombreuses hypogées, la couleur est restée, de même que les formes, et les visages rectangulaires dessinés sur les piliers. On comprend très vite l'importance sacrée qu'avait la mort pour cette civilisation, on imagine le travail réalisé, et on essaie de comprendre comment peut-on trouver la foi suffisante pour construire de telles "oeuvres". D'où vient elle, et comment trouve-t-elle la force de s'exprimer ainsi ? L'ensemble est à la fois effrayant et hypnotique, merveilleux et fascinant.
Nous n'avons pas trop le temps d'y penser cependant car suite à une petite erreur de chemin, nous devons courir pour ne pas louper le pick-up pour San Agustin. La ville de San Agustin n'a en soi aucun intérêt, à part "La Casa de François", l'auberge pleine de français où nous restions. Mais ce n'est pas pour la ville que nous étions là, sinon pour ce qui est tout autour. A San Agustin vivait il y a 5000 ans la civilisation de... San Agustin. Encore une fois, personne ne sait qui ils étaient exactement, ce qu'ils faisaient là, et pourquoi ils ont disparu. Cependant, ils ne sont pas partis sans laisser un petit quelque chose : de très nombreuses statues anthropomorphes, à la fois humaines et animales, réalisées avec un sens du détail impressionnant. Ce qui marque le plus à la vision de ces statues, c'est la force de leur expression, et par extension, l'inspiration et le génie de leurs sculpteurs. Pourquoi les faisaient-il ? Personne ne le sait, et c'est ce qui rend le site encore plus génial. Il faudra aussi préciser que de nombreuses statues ont été volées par les "guaqueros", sorte de "chercheurs de trésors" qui volaient les trésors et les revendaient au marché noir. De nombreuses statues ont ainsi été retrouvées en France, à Nantes notamment. Le patrimoine archéologique colombien a ainsi été pillé par l'Europe, et de nombreuses pièces sont encore aujourd'hui soit perdues, soit dans les mains de riches propriétaires étrangers... A part ça, c'est aussi à San Agustin que nous avons pu faire du cheval, ce qui faisait grand plaisir à César mais qui a failli l'empêcher de marcher pendant une semaine !
Après San Agustin, nous nous dirigeons, vers le nord, la côte Caraïbe et nous arrivons sans encombre à Cartagena De Indias, après un passage éclair à Cali, la capitale de la salsa. Cartagena est une des plus belles villes d'Amérique du Sud et une des plus fascinantes. Ancienne ville la plus importante des colonies espagnoles, de par son emplacement stratégique, il règne aujourd'hui l'impression d'une ancienne grande ville tombée en décadence. On imagine en se baladant dans les rues tout le pouvoir, toutes les richesses qui y ont vécu. Ici, ce sont tous les clichés des Caraïbes qui se retrouvent au même endroit : l'air est chaud, les mouvements se font lents et lancinants, les hommes, tous noirs et descendants des esclaves, passent leur journée dehors, assis sur une chaise ou couchés sur les trottoirs, et les couleurs des bâtiments, jaunes, bleus ou ocre, éclatent. On se croirait chez Gabriel Garcia Marquez. Bon cet article se fait long alors ici je laisserai parler les superbes photos de Cléa. Je vais faire de même pour le parc national de Tayrona, superbe parc national qui se raconte mieux en photos qu'en mots, mais où nous avons non seulement passé de superbes heures à se baigner dans des plages paradisiaques, mais aussi une courte nuit dans un hamac.
Ce qui m'amène au désert de la Guajira, région la plus au nord de la Colombie. Cabo de la Vela est un minuscule village, où le désert se mêle à la mer et le vent au sable. Là bas nous avons passé deux nuits étranges, à manger des poissons et des fruits de mer, à marcher dans le désert, et à se baigner dans des plages au calme plat. Le vent est si fort dans ces contrées que les vagues ne vont pas vers le rivage, mais en sens inverse. Nous avons aussi pu faire la connaissance des Wayuus, la plus grande communauté indigène de Colombie, et parmi eux, un certain nombre qui avaient voté pour Hugo Chavez. C'est que la plupart des Wayuus possèdent la double nationalité colombienne et vénézuélienne, leur permettant ainsi d'aller acheter de nombreux biens de consommation au Venezuela et de les revendre en Colombie. la contrebande, dans le nord, est donc particulièrement développée. Une grande source de tristesse, à la Guajira, ce sont les déchets qui sont jetés dans le désert sans aucun sens écologique, ou même sans aucun sens... commun. C'est à dire que de nombreuses maisons dans le désert sont tout simplement entourées de déchets, et que certaines plages sentent la poubelle. Un aspect assez désagréable qui ne semble pas prêt de s'arranger. Cependant, il n'empêche pas de profiter d'une région quasiment mystique, une région où l'Etat semble être absent et où tout peut arriver. On ne se sent plus vraiment en Colombie à la Guajira, mais vraiment autre part, dans une zone sans règles ni lois. Quand la police se pointe, on dit "Llego la ley"...
Et voilà, après un retour à Bogota, Cléa s'en va pour les Etats-Unis, et moi je rentre à Buenos Aires, pour une petite semaine avant mon retour en France. Une semaine triste, passée au cinéma, entre Batman (pas top) et Spiderman (pas mal).Une semaine pour clore cette année, retourner aux restaurants qui nous manqueront, et se dire que l'on reviendra. Peut-être plus tard. Bientôt. Faire un bilan de cette année serait impossible, pour le moment en tout cas. Il faudra attendre, pour comprendre ce qui nous a marqué, et réaliser ce qui nous a changé. Mais en attendant, il y a d'autres priorités : par exemple, manger du fromage.
Fromage. Ce sera donc le dernier mot de ce blog, pour boucler la boucle.
Hasta luego.
PS : Certains auront peut être remarqué que cet article est publié alors que je suis déjà rentré en France, ce qui pourrait rendre quelques lignes un peu incohérentes. Pour ces gens-là, ces rabat-joie, ces empêcheurs de tourner en rond, ces imbéciles, je m'explique : internet m'ayant fait défaut pour mes derniers jours en Argentine, je n'ai pu terminer cet article (et notamment rajouter les photos) qu'une fois rentré sur le Vieux Continent. D'ailleurs, le sentiment que l'on ressent au retour est ambigu, mélange d'une espèce de soulagement et d'une tristesse infinie.